samedi 12 janvier 2013

De l'usage des ailerons aux fortes incidences


Ou comment éviter de se faire peur...


Ce petit mot fait suite à une question récurrente sur la façon de rattraper un décrochage en virage.

Le problème me semblait évident mais les réponses que j'ai pu obtenir après une large concertation m'ont montrées que je me trompais.

Mon sondage reposait sur un panel de pilotes privés et professionnels, voltigeurs ou non, et le taux d'incompréhension constaté je l'avoue m'inquiète quelque peu.

Le nombre d'accident en dernier virage nous montre qu'il est important d'avoir les idées bien claires sur ce sujet.

En premier il nous faut rappeler que le décrochage pour un profil d'aile donné n'est fonction que de l'angle d'incidence. Cet angle maximum d'incidence où apparaissent les premiers décollements de la couche limite et le buffeting peut varier en fonction du nombre de Mach, mais nous ne sommes pas concernés par ce dernier point dans notre activité voltige.

Retenir ici que sur nos avions utilisés l'aile décroche à un angle d'incidence proche de 15°.

Encore faut-il savoir ce qu'est l'incidence! L'incidence est l'angle entre la corde de profil et la direction du vent relatif. L'incidence n'a rien à voir avec l'assiette!

Une autre chose très importante à bien comprendre quand on parle des décrochages est que la vitesse n'intervient pas. Si c'était le cas lors de nos renversements nous serions au sommet de la figure systématiquement en décrochage. Avez-vous déjà ressenti du buffeting pendant l'éventail? Et bien non, c'est normal puisque l'incidence est nulle. Le facteur de charge est égal à zéro dans le meilleur des mondes, la portance est nulle également donc nous n'avons pas de décrochage pendant cette figure.

Une autre façon de voir les choses est de bien comprendre qu'une aile ne décroche que si on lui demande de fournir de la portance qu'elle est incapable de fournir par manque d'énergie. Ce qui nous amène à... atteindre notre incidence critique de nos fameux 15°.

Fort bien! Mais le sujet n'était-il pas l'utilisation des ailerons aux fortes incidences?

Et nous revenons ici à mon petit sondage : Comment rattrapez-vous un buffeting en dernier virage?

La réponse que j'entend le plus hélas (hélas c'est là qu'est l'os!) est : Ben je dégauchis! Et pourquoi? Ben comme ça je diminue le facteur de charge donc je diminue ma vitesse de décrochage et pour une vitesse donnée je récupère donc du domaine de vol en m'éloignant du décrochage. Le tour est joué et tout va bien!

Et bien tout va mal et ce raisonnement est totalement faux.

Nous allons enfoncer le clou. Tous les raisonnements dans le domaine des incidences critiques reposant sur une explication à partir de vitesse sont faux et dangereux. Tout simplement parce que le décrochage n'est pas lié à la vitesse.

Je sais très bien que cette mauvaise explication est le résultat d'une mauvaise compréhension de la formation initiale dispensée à tous. Combien de fois on nous parle de vitesse de décrochage et non d'incidence?

Il n'est jamais trop tard pour comprendre et bien faire.

Un décrochage est le résultat d'un excès d'incidence. Ce principe étant maintenant admis je l'espère, s'en éloigner revient à tout de suite diminuer l'incidence donc POUSSER puisque nous sommes en écoulement positif et surtout ne pas dégauchir!

Évidement nous allons perdre un peu d'altitude par cette manoeuvre et il faut l'accepter, mais cette perte est négligeable et nous nous éloignons instantanément du décrochage, ce qui nous permet ensuite de dégauchir et de reprendre une trajectoire ascendante.

Une petite question reste en suspend. Il se passe quoi si je mets d'abord des ailerons pour dégauchir avant de pousser? Juste comme çà pour savoir...

Je dirais trois possibilités. Prenons l'exemple d'un virage à droite.
  1. La une : Pas grand chose parce que vous volez sur un avion très tolérant qui pardonne tout et vous avez bien de la chance. Personnellement je ne compte jamais sur la chance, car par définition, elle tourne!
  1. La deux : Elle correspond aux avions qui ont des ailerons demeurant efficaces aux grands angles. Dans le cas d'un virage à droite, le fait de mettre les ailerons à gauche pour redresser va effectivement baisser l'aile gauche ce qui augmentera son incidence déjà critique. Elle décroche franchement et comme à l'aile droite à tendance du fait du roulis à raccrocher car son incidence diminue, vous vous retrouvez très rapidement sur le dos par roulis gauche! Inutile de vous faire un dessin si cela arrive en dernier virage...
  1. La trois : L'aileron que l'on baisse perd toute efficacité et comme il participait un peu à la portance de l'aile, cette dernière s'enfonce. Cet enfoncement provoque à son tour une augmentation de l'incidence. Dans notre exemple l'aile droite décroche franchement et patatra...


Alors pour évitez de perdre complètement le contrôle de votre avion quand vous ressentez du buffeting en virage ce qui peut arriver à tout le monde, retenez bien :

ON DIMINUE L'INCIDENCE (POUSSER en écoulement positif)
ENSUITE SEULEMENT ON AGIT SUR LES AILERONS

La conjugaison est essentiel pour préserver la symétrie du vol. Dans notre exemple un peu de pied à gauche serait opportun. Mais nous aurons bientôt l'occasion d'y revenir.

J'espère que ce petit mot vous aura intéressé. Vos commentaires sont précieux, alors n'hésitez pas à intervenir.

Si vous voulez aller plus loin, nous vous proposons de vivre cette situation en toute sécurité avec des pilotes rompus à ce genre d'exercice et du matériel dédié. Votre sécurité, la sécurité de vos passagers et des riverains en dépend. Nous vous réserverons en toute humilité le meilleur accueil possible pour une mise en situation dans une magique douceur.

Dans le domaine des pertes de contrôle en vol, le vécu est indispensable pour s'approprier les techniques de récupération.


Article rédigé par l'Equipe Horizon et Reims Voltige

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